Comment être un touriste chez soi

J’ai cherché dans Google, « quel est le substantif de baroudeur? ». J’ai pas trouvé. Si vous le savez, dites le moi que je trouve mieux que baroude ou baroudage. A la place je suis tombée sur les termes baroudeur et barouder. Selon le Larousse, un baroudeur est : « Une personne qui aime la guerre, le combat, ou qui a beaucoup combattu. Personne dynamique, qui aime les risques ; aventurier. » Dit comme ça, ça fait pas rêver.

Personnellement, je ne m’y reconnais pas vraiment. Je suis d’ailleurs toujours interloquée quand on me qualifie de baroudeuse. Je sais pas pourquoi mais ça colle pas. Mon père nous appelle les « traîne-savates ». C’est pas mal, ça colle plus à la réalité. On a bien traîné nos baskets en Amérique du Sud et, avant de remonter vers l’Amérique centrale, nous avons fait un détour par le bercail, Ho le bel France, nous voilà !

Gaël est bien content de prendre l’avion.

Si vous avez bien suivi les épisodes précédents, nous sommes partis de Rio de Janeiro, notre dernière adresse connue, pour descendre tout au bout du continent jusqu’à l’archipel du Cap Horn puis, nous avons remonté la Panaméricaine jusqu’aux caraïbes colombiennes. Le tout à bord d’un super Tucson, notre maison sur roues durant les 15 mois qu’ont duré cette aventure. Voiture que nous avons revendue dans le nord du Chili, ne nous demandez pas pourquoi, c’est une trop longue histoire.

Donc, nous en étions là de nos pérégrinations quand nous avons fait une pause dans notre voyage pour passer un peu plus d’un mois dans l’hexagone. Nous pensions que ce n’était qu’une parenthèse, nous l’appelions d’ailleurs « la pause dans le voyage », comme s’il suffisait d’appuyer sur un bouton stop pour arrêter le paysage qui défile, pour stopper l’enregistrement de la rétine, des souvenirs et que sais-je encore. Que nenni. Loin d’être une pause, ce passage européen n’a été qu’exotisme et étrangetés. Ca peut paraitre fou d’être déboussolé dans sa propre ville natale, ça l’est. Si on me l’avait dit quand je suis partie, il y a 7 ans, je ne l’aurais pas cru. Et aujourd’hui, on ne me croit pas quand je le dis non plus. Et pourtant, à chaque retour, je suis de plus en plus paumée chez moi. Bref, aujourd’hui je vais vous parler de notre été européen, de manière vachement subjective, avec des anecdotes pas passionantes et des appalissades que vous aurez l’impression d’avoir déjà lues quelque part. Désolée mais on ne se refait pas.

C’est fou comme l’Europe paraît moderne quand on débarque à l’aéroport de Madrid en provenance de Bogota. Non pas que l’Amérique du Sud et encore moins Bogota, soit le tiers-monde plein de « pauvres gens qui ont dans le coeur la richesse qu’ils n’ont pas dans leur poche » et qui se baladent en ponchos à dos d’âne comme se l’imaginent beaucoup d’Européens. C’est un continent beaucoup plus « développé » et varié que ça. Néanmoins, c’est fou comme l’Europe ressemble au futur que l’on nous avait promis dans les années 90. L’an 2000 que l’on nous avait prédit, les voitures volantes en moins. Et puis, il y a ces habitudes toutes bêtes auxquelles on ne pensait pas avant et qui, de retour des Amériques semblent tellement exotiques, comme boire l’eau du robinet, jeter le papier toilette dans la cuvette et entendre parler français partout. Et il y a toutes ces petites choses, auxquelles on ne pensait pas avant parce que cela nous semblait normale, bah oui c’est comme ça que les choses doivent être non et, qui nous semble un peu dingues maintenant. Les filles ont-elles toujours été aussi maigres, c’est dingue de vouloir être aussi mince. C’est dingue le nombre de gens qui fument, tout le monde, jeunes et vieux, partout, devant les gares, aux terrasses des cafés, dans les cours d’hôpital, par tous les temps, cette urgence de s’en griller une dès que c’est possible, et ces collégiens qui s’en grillent une à la sortie de l’école, j’étais aussi choquée de voir des enfants fumer avant ? Sans doute pas. Finalement, après toutes ces années de l’autre côté de l’Atlantique, c’est l’Europe qui nous est follement exotique.

Ce sont donc des nous complètement déboussolés par la modernité de l’Ancien monde qui ont atteri à Madrid. Pourquoi Madrid ? Parce c’était moins cher et plus simple finalement pour aller ensuite à Pau, le fief de Gaël. Qui dit retour, dit retrouvailles et les premières n’ont pas été des moindres. J’ai retrouvé un copain madrilène rencontré à Rio, à l’époque il était stagiaire et moi je venais de débarquer au Brésil, nous nous étions quittés des années auparavant, jeunes et fringants, à la sortie d’une boite de nuit carioca et on se retrouvait là, lui en costume de jeune cadre dynamique et moi avec mon sac sur le dos et un fiancé qui suit derrière.

Après ces retrouvailles émouvantes, nous avons embarqué dans un train. Ça faisait des années qu’on n’avait pas pris un train. C’est vrai que c’est génial le train, on retrouve ces gestes qui nous étaient quotidiens, à la différence près qu’aujourd’hui il y a des contrôle anti-terroristes partout, tiens c’est vrai qu’on n’a pas connu ça, l’ère du terrorisme et ces nouvelles habitudes de peur qui viennent avec. Oui, un train. Cette merveille de technologie qui permet de traverser des pays entiers en quelques heures, ha mais oui c’est vrai, en Europe les pays sont si petits qu’on peut les traverser en train, sont minus ces pays qui font même pas la taille d’un département américain, de toute façon ça ne s’appelle pas des départements, enfin bon passons. Ces trains traversent des campagnes verdoyantes, avec des grosses vaches, elles sont vraiment plus grosses les vaches ici, les paysages ne varient pas trop, ils restent les mêmes tout le long de notre parcours, ils se déroulent comme des chapelets le long de la voie ferrée, vaste champs verts, mignons petits villages datant du Moyen-Age, champs beiges, clochers au loin et on recommence. Parfois, un gros supermarché vient barioler ce chapelet, comme une vulgaire tâche sur ces images d’Epinal.

San Sebastian, terminus du train. Le père de Gaël vient nous chercher en voiture, passage de frontière, retour sur les autoroutes françaises, si plates, pas de nids de poule à l’horizon, elles sont vachement éclairées c’est dingue, on a l’impression de rouler dans un casino. Attends, on a passé la frontière là? Quand ça ? Ha ce panneau au bord de la route ? Mais rien n’a changé ! Où sont les contrôles de police, les passages aux douannes, les fouilles dans le coffre à la recherche de fruits qui sont strictement interdits sous peine de contamination d’espèces endémiques. Ha oui, c’est vrai, les frontières sont floues.

Et ces étonnements ont continué tout au long de notre été français, le premier depuis 7 ans. J’avais oublié qu’en France ce n’était pas toujours Noël, qu’il y avait aussi des étés, qu’il y fait chaud mais pas trop, que tout le monde est en terrasse et surtout, qu’il y fait jour jusqu’à 22h ! 22h bon sang ! Ca ressemble à rien !

Et ces étonnements se sont mêlés avec les retrouvailles toujours aussi émouvantes, joyeuses et nostalgiques avec nos proches.
Ces fameux proches qui vivent si loin maintenant, avec qui on ne partage plus le même quotidien, qui sont chaque fois, ni tout à fait les mêmes ni tout à fait autres, dit la fille qui copie sur Verlaine. C’est toujours tellement bizarre de revenir en France, ça l’est tellement de plus en plus. Ne soyez plus étonnés de nous voir toujours un peu ailleurs, on l’est un peu, comme nous sommes toujours un peu avec vous quand on est dans cet ailleurs. Bref, je ne sais pas pourquoi je vous raconte tout ça. Peut-être parce que ça peut paraitre fou d’être déboussolé chez soi. Et ça l’est.

Je ne pense pas que le substantif de baroudeur existe, si ce n’est pas le cas, il faudrait l’inventer. Je proposerai un truc comme : Baroudage, n.m. Ce sentiment d’être chez soi partout et nulle part à la fois. Et d’aimer ça en plus, sans vergogne. Bigre !

Bon allez, dans le prochain épisode, je vous raconterai notre périple européen où nous nous sommes pris pour Amélie Poulain, nous avons failli faire naufrage et où nous nous sommes mis à l’afternoon tea.

 

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