La vie c’est comme la Bolivie, elle est pleine de surprises. 

Avant de traverser la frontière, pour nous, la Bolivie était le pays des dames à chapeaux melons trop petits et du communisme à la Morales. Soit pas grand chose. Puis nous avons croisé des gens qui nous ont parlé de ce pays et leur récit ne donnait pas franchement envie. À les écouter, c’était un pays ultra pauvre, über corrompus et craignos, où absolument tout était compliqué. Autant dire que nous avons roulé vers les monts boliviens, mi-intrigués mi-à reculons mi-molette sur l’accélérateur. Et finalement, nous découvrons jour après jour, un petit pays attachant qui nous réserve autant de belles surprises que de chocolats dans la boite de Forest Gump.

Surprise n°1 : Pas de policiers corrompus à l’horizon

Avant de partir à l’assaut de l’altiplano atacamène, nous nous sommes renseignés sur les modalités de franchissement de la frontière chilo-bolivienne sur iOverlander, la bible des gens de la route. Stupeurs et tremblements, on nous avertissait que ça allait être compliqué et qu’il faudrait lâcher des biftons aux douaniers. De plus, Nelson quittait pour la première fois le Mercosur, il avait froid au moteur. Nous nous étions préparés à ces difficultés, répétant ce que nous allions répondre aux filouteurs de la douane.

Avant de franchir la ligne nous séparant de ce nouveau monde, nous avons pique-niqué en tête-à-tête avec une bande de flamands roses impavides.

Nous sommes arrivés à une frontière aux airs de western avec ces grandes étendues ocres, son vieux train usé qui roule très lentement, ses ballots de pailles qui passent devant nos yeux fatigués, point d’âmes en vie à l’horizon. À notre arrivée, nous nous sommes présentés au poste-frontière en pré-fabriqué où nous attendait un tout petit monsieur. Malgré le fait que nous étions deux Français dans une voiture brésilienne en provenance du Chili aka LE pays ennemi depuis que les Chiliens ont ravi leur accès à la mer, la procédure a été sommes toute assez rapide et sans douleur. Personne ne nous a demandé de pot-de-vin, nous étions limite déçus.

Sur la route vers Uyuni, nous voulions abreuver Nelson, histoire qu’il se remette de cette montée vers les sommets andins. Nous nous attendions encore à moult difficultés, étant donné qu’il est compliqué pour un étranger d’acheter de l’essence en Bolivie. Et pourquoi donc me direz-vous ? Tout simplement parce que l’essence est beaucoup moins chère en terre bolivarienne. Quand les voisins l’ont appris, les frontaliers sont venus par paquets s’y approvisionner. Moyennement ravi par la situation, le gouvernement a imposé aux pompistes de faire payer les étrangers au même prix que chez les voisins et en sut, ils doivent remplir un formulaire spécial. Depuis, ils sont devenus réticents à servir les étrangers et pour nous autres, faire le plein revient à un parcours du combattant.

Encore une fois, bonne surprise, nous avons demandé à l’une des deux stations services du coin et l’une d’entre elles nous a fait le plein sans ronchonner. Limite déçus nous étions.

Surprise n°2 : la Bolivie est multiculturelle

Notre premier campement de base bolivien fut Uyuni. Une petite ville que beaucoup trouvent sans charme, mais où nous avons passé un séjour somme toute assez sympathique. Ce fut le décor de nos premières journées en Bolivie et du premier vrai dépaysement de notre voyage. Même si nous avons jusqu’à présent parcouru 25 000 km, les terrains de jeux avaient comme un air de déjà vu, comme s’ils étaient une extension de notre grand jardin d’enfance, après tout, nous vivions depuis longtemps en Amérique du Sud. Mais pour la première fois depuis des années, nous nous sentions dépaysés. La Bolivie, nous apparut comme la cour des grands, une cour de récré que l’on s’imaginait de loin sans savoir vraiment à quoi s’attendre. Contrairement à ses grands voisins, la Bolivie a su garder ses traditions multi-culturelles face à l’impérialisme américain qui s’est imposé dans une grande partie du continent.

Tournage d’un clip en plein salar.

Depuis l’élection d’Evo Morales, le seul président indigène d’Amérique du Sud, les 36 cultures originelles reprennent enfin leur juste place dans la société bolivienne. Ce qui n’est pas le cas chez ses voisins, comme au Brésil par exemple, où les indigènes sont encore massacrés afin de s’accaparer leurs terres, aux profits de riches agro-businessmen et de multinationales étrangères. Et cette richesse culturelle se ressent au quotidien. Les rues sont pleines de cholitas, ces femmes habillées de longues jupes bouffantes, de châles colorés, de chapeaux melons trop petits et coiffées de grandes tresses terminées par des pompons. Les 36 langues natives sont officiellement reconnues et obligatoires dans les administrations. L’espagnol est une seconde langue qui permet aux habitants des différentes régions de se comprendre, mais dès qu’on s’éloigne des villes le Quechua, l’Aymara ou le Guarani par exemple sont majoritairement parlés.

Surprise n°3 : Nous avons survécu au mal de l’altitude

Uyuni est située sur le haut plateau andin, à 3700 m d’altitude au-dessus des ras de pâquerettes. C’est haut, très haut. Et à cette hauteur, l’air commence à sérieusement se raréfier. En arrivant, nos proches, les guides et les habitants nous avaient prévenus, le mal des montagnes pouvait être fatal. Ça commence par des nausées voire, des vomissements, de l’insomnie, des vertiges, une lassitude, des troubles de l’équilibre, des maux de tête qui peuvent aller jusqu’à l’embolie cérébrale où ton cerveau saigne par le nez ou encore l’embolie pulmonaire où là, ce sont tes poumons qui implosent. Un programme fort réjouissant. Une amie qui est allée au Tibet, nous a prévenus qu’il ne fallait pas se laver pendant les quatre premiers jours sous peine de mourir d’un rhume. Nous l’avons appris en sortant de la douche. Nous avons un poil paniqué et sommes donc sortis avec bonnets, écharpes et manteaux par 10°C, on ne sait jamais. Et si par chance, nous survivons au terrifiant mal des montagnes et autres réjouissances réservées par les hauts-sommets, le vers solitaire saura nous achever si par mégarde nous mangeons des crudités, des fruits, de la viande ou si nous ne désinfectons pas nos couverts au restaurant. Comme évidemment nous avons suivi aucune des consignes indiquées, nous sommes promis à une mort certaine et imminente.

Pour l’instant, notre mal des montagnes prend les formes d’une grande flemme généralisée, d’une procrastination avérée et de la forme physique d’un papy asthmatique en plein marathon du désert. Nous sommes essoufflés comme des phoques après une phrase de plus de trois mots d’affilés. Nos conversations se retrouvent drastiquement limitées.

Le premier jour de notre arrivée à Uyuni nous nous sommes levés, nous avons petit dèj’ puis nous avons demandé à l’hôtel si nous pouvions rester une nuit de plus, puis nous sommes tombés dans une faille spatio-temporelle jusqu’à 17h, heure à laquelle nous sommes enfin sorti dans le but de préparer notre excursion dans le Salar, puis comme nous avions une faim d’ogre et une flemme tout aussi monumentale, nous sommes allés manger un chili sans carne dans notre petit resto préféré en jouant au Uno, puis nous sommes rentrés à l’hôtel pour savoir si nous pouvions rester deux nuits de plus, puis nous avons tout repoussé au lendemain avant de s’affaler devant Netflix tels les gros mollusques que nous sommes. Comme Phil Connors dans Le jour de la marmotte, nous avons assisté à la répétition de cette journée, quatre fois ou plus, nos mémoires nous font défauts, impuissants nous étions devant cette malédiction des montagnes caractérisée.

Surprise n°4 : les excursions organisées, c’est pô si mal

Au départ, nous avions prévu de nous balader dans le salar d’Uyuni tous les trois comme des grands mais, après renseignements, nous avons conclu que c’était une très mauvaise idée. Nelson risquait de voir ses fragiles rouages rongés par le sel soit le cancer des voitures, en plus il aurait fallu amener trop de vivres pour alimenter nous autres et le Tuctuc, de plus on risquait de se perdre et de mourir dans le désert comme une famille d’allemands l’année dernière. Moralité, nous avons réservé notre première excursion du voyage auprès d’une agence de voyage du coin. Bonus, cela procure l’avantage de ne rien avoir à organiser. Et ça, c’était un très bon point, rapport à notre susdite malédiction andine.

Nous étions pas super jouasses au départ de se joindre à une excursion organisée et puis finalement nous fûmes agréablement surpris. Ça fait un bien fou de se laisser guider, ne pas penser à la prochaine étape, découvrir les paysages en temps réel et surtout que quelqu’un s’occupe du dormir et du manger. Bref, nous étions pénardaux tels des renardeaux.

Le salar d’Uyuni.

A force de voyager hors-saison, nous étions devenus des demi-sauvages qui avaient perdu l’habitude de rencontrer des voyageurs et autres touristes européens. Nous avons passé trois jours à se faire balader avec un couple d’Allemands et un étudiant hollandais en vacances. Ne dérogeant pas à l’image de leur peuple, les allemands étaient très polis, ponctuels et voyageaient avec tous leurs artefacts teutons; comme tous bon germains en voyage. Ainsi l’Allemand aura toujours dans sa valise un stock impressionnant de mouchoirs, médicaments, vitamines en poudre, préservatifs et se brossera toujours les dents avec de l’eau minérale. Ne vous avisez pas de lui donner des produits français ou pire, sud-américains, l’Allemand ne fait confiance qu’à la Deutsche Qualität, c’est comme ça.

Surprise n°5 : le Salar d’Uyuni c’est vraiment chouette, malgré le tourisme de masse

Le Salar d’Uyuni est une ancienne lagune salée qui, en s’asséchant est devenue une vaste croûte de sel. Elle a longtemps été exploitée à grande échelle pour en faire du sel de table et des briques pour la construction. Aujourd’hui les gens du coin continuent de traiter le sel de manière artisanale mais préféreraient se tourner vers le tourisme parce que c’est un travail moins pénible, quoique. En vérité les salars sont surtout connus comme étant un actualisateur géant de profils facebooks rigolos. En effet comme le chantait déjà Flaude Crançois, si tu vas au salar, n’oublie pas de faire des photos. Le manque de perspective permet de créer des effets spéciaux incluant des attaques de dinosaures en plastiques et autres joyeusetés du même acabit. Evidemment nous n’avons pas échappé à la règle.

Chewbacca et le nain joyeux.

Le soir nous avons dormi dans un hôtel tout en sel par -15°C. Ce qui fût l’occasion de constater que le sel est un excellent isolant et que nous avons dû résister à la tentation de lécher les murs pour voir si c’était vraiment salé. Le lendemain nous nous sommes fait balader de lagunes pleines de flamands roses au désert de Dali, qui selon la légende aurait fortement inspiré le peintre espagnol, jusqu’à des sculptures naturelles de roches. Bref, ce fût une colonie dans les grandes vacances.

Pour l’instant, la Bolivie est un gros bon chocolat dans une boite truffée de surprises. Un petit pays où il fait bon paresser, une charmante contrée où nos regards n’ont pas fini de s’émerveiller. La vie et la Bolivie n’ont pas fini de nous surprendre mais ça, c’est pour une prochaine histoire.

Ici, c’est le paradis des flamants roses.

 

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2 Responses to “La vie c’est comme la Bolivie, elle est pleine de surprises. ”