Machu Picchu – Episode 2 : Une destination, deux chemins

Ha le Machu Picchu ! Ce nom mythique qui fait rêver les voyageurs, qui donne un goût d’ailleurs rien qu’en le prononçant. L’ancienne cité sacrée est aujourd’hui une cash machine touristique nichée au sommet d’une vallée sacrée qui garde un certain charme. Pour y accéder, deux chemins, deux écoles.   

Au premier épisode, nous découvrions le charme de la vallée sacrée et nous laissions Caroline avec sa patte folle. Sans plus attendre, voici la suite des aventures machu-picchiennes.

Après avoir passé quelques jours à parcourir la vallée sacrée, nous voici arrivés à Santa Teresa, avant-dernier arrêt avant le Machu-Picchu. C’est un village au bout d’une route de montagne qui donne la nausée pendant 4 heures. Comme nombre de villages de campagne péruviens, il y a deux rues, deux hôtels et quinze restaurants qui servent du poulet frit avec des frites et des beignets à l’huile en dessert. Après avoir trouvé notre gîte pour la nuit, nous sommes partis clopin-clopant à la recherche du couvert. Partout, au Pérou, les restaurants proposent des « menus économiques » qui comme le nom l’indique, permettent de manger pour pas cher (2-3 euros) de la cuisine à la « mère-grand ». En général, il y a une grande soupe de quinoa ou une petite salade crudités en entrée, un plat comme le fameux « lomo saltado » qui est du bœuf en lamelles sautés aux oignons, tomates et frites, servi avec du riz. Le tout accompagné d’un verre de chicha morada, une boisson à base de maïs violet fermenté auquel on ajoute de la cannelle et des clous de girofle.

Vue de la vallée entourant la cité du Machu-Picchu.

Il y a trois façons de monter au Machu-Picchu, la plus sportive étant de prendre « le chemin des Incas ». C’est un trek de 2 ou 4 jours qui parcourt la vallée sacrée en empruntant le chemin que les Incas. Il faut savoir que les Incas n’avaient ni chevaux, ni charrettes, car très peu d’animaux survivent en altitude. Les lamas étaient déjà domestiqués, mais ils ne peuvent supporter guère plus de 10 kg de charge sur leur dos. Les Incas ne se déplaçaient qu’à pieds et ils avaient un système de communication plutôt original. Partout, dans le royaume, il y avait des messagers attitrés qui était chargés de faire passer le message le plus vite possible. Par exemple, pour envoyer une information de Cuzco au Machu-Picchu, il fallait un jour ou deux. On confiait le message au premier inca à Cusco qui notait des éléments comme les nombres via des nœuds sur des ficelles qu’on appelait quipu. Il y avait une certaine forme de nœuds pour les dizaines, une autre pour les unités, etc. L’Inca courait trois kilomètres jusqu’au messager suivant, lui passait le message et la corde avec les nœuds, le suivant partait transmettre le message au prochain relais, à trois km de là, etc. Cette course de relais était le moyen le plus efficace de communiquer dans tout l’Empire. Le message pouvait parcourir jusqu’à 240 km par jour, le long de deux axes principaux : de l’actuel Équateur au sud du Chili, et de l’ouest à l’est de la cordillère des Andes, en passant par des cols à plus de 5 000 mètres d’altitude.

Une autre façon de rejoindre le Machu-Picchu est de conduire jusqu’à la centrale électrique et de marcher. Oui, la centrale électrique. C’est un endroit au milieu de nulle part, à quelques 20 km de Santa Teresa, où il y a une centrale hydro-électrique, un des départs du train pour le Machu-Picchu et des baraques à frites au bord des rails. On pourrait l’appeler « le chemin du pauvre ». C’est une marche de 2h30 sur les rails du train, destination Aguas Calientes, « la ville du Machu-Picchu ». Pourquoi marcher sur des rails ? Parce que le chemin est joli, mais surtout parce que c’est gratuit. Le Machu-Picchu, c’est sympa, mais surtout, ça se paie et cher. Les anciennes ruines incas sont une cash machine bien lucrative, comme au Scrabble, sur cette case tout compte double ou triple.

Si Caroline et sa patte folle ont dû démissionner pour cause d’handicap, Gaël a marché seul sur les rails, au milieu de la jungle, un témoignage poignant :  « Au début, c’est un peu étrange de partir d’une gare à pied, directement sur les rails, mais on se rend vite compte que c’est une voie plus empruntée par les piétons que par les trains. Le prix du billet étant dissuasif, tout le monde préfère marcher. J’ai même croisé une classe de collège avec leur professeur! Le trajet est plutôt agréable, on se promène au fond de la vallée proche d’une rivière. Toutes les 30 minutes on passe devant un restaurant/bar/camping au milieu de nulle part, le train ne s’y arrêtant pas on se demande combien de personnes ils reçoivent par jour. Le principal passe-temps à part marcher et contempler la nature consiste à dire bonjour aux 300 personnes que l’on va croiser sur le chemin. Une autre distraction est le passage du train d’où les touristes aisés vous regardent de haut avec un thé bien assis au fond de leur siège en cuir mais ça Caroline vous le racontera mieux que moi. » 

Pendant ce temps-là, Caroline a pris le chemin des privilégiés et a embarqué dans l’un des trains les plus chers au monde, 30 USD les 40 min de trajet. Elle nous confie ces impressions sur son trajet : « Ma foi, c’était fort agréable. Il y a la clim’, des snacks (un thé avec un assortiment de fruits secs, si vous voulez tout savoir) et comme la plèbe marche sur les rails, nous étions peu nombreux. Avec moi pour ce trajet, il y avait deux frères américains à la retraite qui voyageaient dans la région. L’un d’eux me posait plein de questions, comme pourquoi il y a beaucoup de Français au Pérou (c’est vrai qu’il y en a vraiment beaucoup, tout le monde nous le dit et nous demande pourquoi). Je lui ai répondu qu’on a tous été marqué par une prof d’Espagnol qui nous a fait chanter Manu Chao. Ce qui constitue une théorie comme une autre. Il n’avait pas l’air de bien connaître Manu Chao, mais il a acquiescé d’un air très inspiré et a sûrement dû me traiter de communiste dans sa tête. Ensuite, il m’a demandé d’enregistrer une petite vidéo dans laquelle je devais rassurer sa femme et lui jurer sur God qu’il n’allait pas se faire tuer en Bolivie. Sur ces entrefaites, comme pour illustrer les insolubles interrogations de l’oncle Sam, un Français est venu me parler, de surcroît il était boulanger et se baladait avec du saucisson. Plus cliché, tu meurs. De plus, nous avons dégoisé sur le fromage, les baguettes et le métro parisien. Un peu plus et l’amerlock nous enfermait dans une boule à neige où il y aurait écrit « ô le bel France ». À peine le temps d’ajouter qu’on se ferait bien une bonne raclette et nous étions déjà arrivés à Aguas Calientes, terminus tout le monde descend. Moralité, j’ai même pas eu le temps d’admirer le paysage. Dèg, j’étais. » 

Nous nous sommes retrouvés clopin-clopant dans la ville du Machu-Picchu. Aguas Calientes est une petite ville séparée par les rails. D’un bord les hôtels sympas et autres restaurants gastronomiques pour touristes avec des rabatteurs tous les cinq pas qui veulent te vendre leurs menus, des tours ou des massages avec « happy endings » et de l’autre, quelques hôtels pour touristes pauvres, des cantines pas chères, les maisons des gens du coins et un terrain de foot.  Après une nuit dans un petit hôtel de charme incertain où la lunette des WC et la télévision étaient en option, nous avons été prendre le petit-dèj à la Boulangerie de Paris, tenue par le Français rencontré la veille par Caroline. Si vous passez par là, allez-y, il s’y connaît en bons croissants.

Aguas Calientes vue du pont.

Puis départ de bon matin pour le Machu-Picchu, enfin !  Pour aller au Machu-Picchu, il nous faudra prendre le bus le plus cher de toute notre vie, 12USD par personne pour un trajet de 20min. Et non, à ce prix-là, les sièges ne sont pas recouverts d’or. Pour se consoler, il y a la vue et c’est quand même pas mal du tout.

Nous arrivons enfin au pied de l’ancienne citadelle inca, le graaaaaaaaal. À peine arrivés, nous avons rendez-vous avec la montagne du Machu-Picchu. Il faut savoir que la citadelle a été construite entre deux montagnes, le Wayna Picchu et le Machu-Picchu, qui lui a donné son nom. Toute la magie du Machu-Picchu est dans son écrin, il est incrusté entre les montagnes, sur un lit de nuages. Nous avions réservé le créneau du matin pour monter en haut de la montagne du Machu-Picchu, la plus haute des deux et celle avec la vue la plus impressionnante. Alors que nous avions déjà bien grimpé, nous croisons pleins de gens qui nous demandent si la porte du soleil est encore loin. Bizarre. En croisant un des gardiens, on lui demande si on est bien sur la bonne route, il nous répond que nenni, mauvais chemin nous avons pris. Rebrousse chemin, nous repartons vers la case départ. Nous avions perdu beaucoup de temps et l’heure limite à l’accès à la montagne. Au Machu-Picchu, tout est chronométré. Il faut réserver son billet un mois à l’avance, choisir son horaire, les lieux que l’on veut visiter et s’y tenir, car il n’y a pas d’annulation, de changement de date et si tu arrives en retard, tant pis pour toi.

La cité du Machu-Picchu vue de la montagne du Machu-Picchu

Enfin arrivés au poste de contrôle, nous entamons la longue montée jusqu’au sommet. 600m de dénivelé tout en marches en pierre. Il fait chaud, nous sommes à 2800m d’altitude et la cheville de Caroline fait des siennes. À mi-chemin, nous nous arrêtons à un point de vue pour prendre une photo. Patte folle abandonne la course, elle restera là le temps que l’homme des Pyrénées monte la montagne sacrée à sa place. Elle raconte sa petite heure assise sur un gros caillou face au Machu-Picchu : « Bah, finalement c’était assez sympa. Au début, j’étais seule face à moi-même et aux ruines. J’ai pris pas mal de photos du coup. Puis un lama est venu manger à côté de moi, c’était cool, on a vécu un vrai moment tous les deux, je me suis jamais sentie aussi proche d’un lama de toute ma vie. Je l’ai appelé Serge, comme tous les lamas que je croise, ce n’est pas très original, je sais. Puis il y a quelques personnes qui se sont arrêtées et m’ont demandé de les prendre en photo. Ensuite, deux étudiantes allemandes se sont arrêtées parce qu’elles n’avaient pas le courage de monter plus haut et m’ont tenue compagnie. Elles étaient vraiment marrantes. Il y avait aussi un Américain qui était au bord de la mort, mais qui a tenu à monter tout en haut. Sa fiancée l’avait quitté un mois avant leur mariage, le Pérou aurait dû être leur voyage de noce. Alors, il se fait son voyage de noce tout seul et fait plein de randos alors qu’il déteste ça. C’est sa façon à lui d’expurger sa peine. Il était touchant. D’autres gens qui ont abandonné se sont joints à nous et le gros caillou est vite devenu une petite auberge espagnole des losers de la montagne. »

Quand Gaël est revenu, les losers de la montagne l’ont applaudi pour son petit exploit et nous sommes tous redescendus à la cité, car nous étions plus qu’en retard pour visiter les ruines. Notre billet s’expirait à 12h et normalement on ne pouvait plus y accéder. La pluie étant de la partie, les gardiens s’abritaient dans les coins et nous avons pu enfin entrer dans l’ancienne cité inca. Attention, il y a un sens de visite, aucun rebrousse chemin n’est autorisé, interdiction de revenir sur ces pas !

Alors le Machu-Picchu ? Pour notre part, cela restera surtout une jolie vue, avec des ruines bien conservées et pleins de ponchos en plastique. Alors oui, c’est assez impressionnant de s’imaginer qu’il y a plus de 500 ans, des gens ont édifié une ville aussi haut, sur des montagnes aussi escarpées, si loin de tout et si difficile d’accès, mais, c’est une usine à touriste. Bien sûr, on ne s’attendait pas à un petit coin sauvage, loin de là, mais tout est trop. Trop cher, trop bondé, trop vu et finalement moins de charme. Un Disneyland de vieilles pierres. Les Incas avaient construits la cité du Machu-Picchu pour impressionner ses visiteurs et leur montrer le meilleur de leur civilisation, exhiber de quoi ils étaient capables. Plus de 500 ans plus tard, leur pari est plus que réussi.

La fameuse citadelle du Machu-Picchu aaaaaaaah !
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2 Responses to “Machu Picchu – Episode 2 : Une destination, deux chemins”

  • PePito del lamato

    Super article comme d’habitude. J’ai bien aimé la partiE sur le lama (car lE macHu picchu c’est surfait!). Une interview exclusive d’un lama femelle pourrait être une bonne idée Pour vos prochains artIcles, surtout dans le contexTe tendu de l’affaire #balancetonlama. A bon entendeur